Justice

Cameroun : Les tourments de la liberté de presse en pleine période de dissidence

L’instabilité politique actuelle au Cameroun est marquée par l’arrestation et la détention de nombreux journalistes couvrant les manifestations de l’opposition.

Un correspondant de RFI interpelé par la police et plusieurs journalistes ont vu leur matériel saisi lors des manifestations du 22 septembre, préalablement interdite par les autorités.

Reporters sans frontières (RSF) a condamné les méthodes qu’il qualifie de « violentes » utilisées par la police et a demandé aux autorités de sanctionner les responsables.

RSF s’est entretenu avec le journaliste Polycarpe Essomba alors qu’il se rendait à l’hôpital mercredi pour se faire soigner d’un mal de tête et de pieds apparemment causé par les coups de la police la veille, alors qu’il assistait auxdites manifestations.

Il a déclaré qu’il s’était réfugié dans un petit magasin pour préparer une émission en direct prévue pour midi lorsque plusieurs policiers l’ont interrogé. Il a reçu un coup violent dans la nuque et son matériel a été fouillé et confisqué.

La police l’a emmené dans plusieurs postes de police différents avant de lui rendre ses effets personnels en fin de journée. « Ils ont regardé les photos que j’avais prises et ont essayé de déterminer qui étaient mes sources », a-t-il déclaré.

Le correspondant de l’Agence France-Presse, Reinnier Kaze, a également été détenu au même endroit et a vu son matériel saisi.

L’arrestation musclée de Rodrigue Ngassi, cameraman de la chaîne Équinoxe TV, a été filmée par la police. Les images le montrent avec plusieurs ecchymoses et des vêtements déchirés après son arrestation.

Les journalistes sont souvent mis dans le même sac que les responsables des troubles, même s’ils essaient de faire leur travail en enregistrant fidèlement les événements dont ils sont témoins.

« Ces reporters n’ont commis aucune infraction et les actions des forces de sécurité n’ont rien à voir avec le maintien de l’ordre. Les méthodes lourdes qu’ils utilisent visent uniquement à intimider les journalistes et à censurer un événement que les autorités trouvent inquiétant. Les coupables doivent être punis », a déclaré Arnaud Froger, le responsable du bureau Afrique de RSF

Le mois dernier, l’organisation de défense de la liberté de la presse a demandé à trois rapporteurs spéciaux des Nations unies d’enquêter sur le décès en détention militaire du journaliste Samuel Wazizi.

RSF fait également campagne pour la libération de plusieurs journalistes détenus dans le pays, notamment l’ancien directeur général de la chaîne publique CRTV, Amadou Vamoulké, détenu sans procès depuis plus de quatre ans, et le reporter indépendant Kingsley Fumunyuy Njoka, accusé de sécessionnisme et placé en détention provisoire depuis six mois.

Le Cameroun a perdu 14 places depuis 2013 dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF et est classé 134e sur 180 pays dans l’édition 2020.